Malika Doray
Ceux qui s'attendaient à rencontrer une envoûtante beauté orientale en ont été pour leurs frais. Malika Doray, elle est plutôt du genre jeune femme ado, avec d'improbables claquettes à talons hauts et une voix rauque de fumeuse. D'abord elle parle tout doucement, de cette carrière d'auteure-illustratrice qui a commencé par hasard, par amour, pour une petite fille en deuil... Puis elle revient sur ses années à l'Ecole Olivier de Serres, où elle s'était dit "plus jamais de dessin". Elle évoque aussi son père psy, un peu, et les couches qu'elle a changé dans une halte-garderie. On sent bien que tout ce qu'elle fait, elle aime le faire, on sent bien qu'elle fourmille de projets et d'idées sous ses airs de pas y toucher, on sent bien qu'elle aime ce milieu-là, ses éditeurs, on comprend aussi qu'elle est pas toujours d'accord, et que comme son héros, elle dit non aussi. Elle ne cache pas la faiblesse technique de son dessin, mais elle ne dévalorise pas non plus son talent. Puis d'un coup, elle se transforme en démonstratrice de marché, diront les mauvaises langues, en prestidigitatrice, s'emballeront les autres... Pour une question sur les livres-objets, pour une demande sur les lapins, la voilà qui se dresse enfin derrière la table où elle a posé-entreposé toutes les choses, tous les livres dont elle veut nous parler, un joyeux bazar qu'elle voit comme une "chambre d'adolescent", pas rangée, derrière lequel elle se cachait presque. Elle s'anime, elle plie, elle déplie, elle fouille, déplace des piles, en sort triomphante un tout petit opus de Bruno Munari, un Paul Cox, un Dick Bruna. Elle nous ouvre ses livres, les pop-up, les accordéons, les cartonnés, les "normaux". Elle nous dévoile ses pliages inventifs, ces petites histoires en boucle, petites merveilles dont elle commence à faire son deuil parce que non, ils ne pourront pas être publiés, parce que même en Chine ils ne peuvent imprimer ces choses-là pour un coût suffisamment raisonnable... Trois heures ont filé, si vite... Donc non, pas de danse du ventre, mais tellement tellement de magie... Merci Malika !