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la môme poison
26 mars 2008

Archéologie du souvenir

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Ce sont des petits bouts de riens. Bons à jeter...

Petites fioles gorgées de terre, fourchettes édentées, bulbes préhistoriques, tessons de vaisselles anciennes, silex taillés, briques estampillées, poteries ébréchées, fève sans galette, claveau sans fenêtre, billes d'un garnement aujourd'hui décédé, soldat sans régiment, clou rouillé, fine porcelaine, poire en caoutchouc rouge, jardinière éclatée... Il suffit de bêcher un brin, de planter un jasmin, parfois c'est juste en étendant le linge que l'oeil est attiré. Des petits trésors, qui émergent sans effort. Un cabinet de curiosité improvisé.

Ce sont des petits bouts de rien, mais pas question de les jeter. Ces petits bouts-là, ces fragments d'autrefois ont leur petite histoire à raconter. Un récit du temps où le jardin d'ici, coincé entre la voie ferrée et le vélodrome a été remblayé, loti, construit. Un récit du temps où les enfants jouaient encore aux billes et qu'elles étaient en terre, du temps où un soldat de plomb les faisait rêver, du temps où les filles jouaient à la dame, ou bien à l'infirmière, gavant leur poupée de l'elixir du "Docteur Cronier, à Paris". Pour un peu on entendrait presque la tante Odile appeler à table, rôti haricots verts et porcelaine de Gien. Mimi et Zézette se chamailleraient encore pour décider du lieu du pique-nique du dimanche suivant. Gabi servirait une petite prune à tous les hommes.  Les filles dans la cuisine feraient la vaisselle, transformant la corvée en confidences, attention n'abîme pas le service Hanoi de la grand-mère, c'est du Longwy quand même ! Les cousins au jardin aménageraient la cabane de babioles déclassées, se poursuivraient en hurlant sous les pommiers en fleurs, et au salon l'oncle Maxence manquerait s'étouffer avec son tabac à priser, le droit de vote, mais qu'est-ce qu'elles vont bien pouvoir en faire, les greluches ! Les femmes seraient sorties, profitant d'étendre les torchons humides pour faire le tour du potager, rêver de récoltes estivales et savourer le panaché des tulipes. Les hommes les auraient rejoint, doigts entrelacés, ou claque sur les fesses. Quelqu'un proposerait la balade rituelle du côté des jardins familiaux, au bord de la rivière. Les enfants seraient les premiers devant, tirant le bras de leur mère. Et puis vers cinq heures peut-être six, on se quitterait avec la certitude de se retrouver dimanche prochain. En chemin, on critiquerait la charlotte, pas assez alcoolisée, et on sourirait de nouveau à un mot des enfants, aux blagues de Jean-Do...

Ces petits bouts de rien ont la saveur de ces heures-là... Une machine à remonter le temps, ni sophistiquée, ni onéreuse, à peine encombrante... Non, pas question de les jeter !

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Commentaires
H
Mon rebond de réponse à ton commentaire sous mes tessons à moi : "Mais c'est incroyable ! Je viens d'aller chez toi voir tes tessons : tu as les mêmes que les miens !!! En s'y mettant toutes les deux, c'est certain, nous reconstituerons la vaisselle d'antan !"<br /> <br /> Pa rapport à ton texte : on n'y voit pas les protagonistes briser les assiettes et en jeter les morceaux à travers le jardin !
S
Des petits bouts de rien qui pavent la malle aux souvenirs de traces belles et précieuses ...<br /> <br /> J'aime beaucoup l'association de tes mots avec tes images ...<br /> <br /> Bisou<br /> Servanne
M
quel beau dimanche!<br /> tu as raison, garde tout ça et laisse se perdre quelques bout de vous sous le jasmin.<br /> merci pour ce joli texte.
D
C'est toujours extraordinaire de trouver ces petits bouts de rien. Tu n'as plus qu'à acheter un vieux tiroir d'imprimerie pour mettre tout ça, comme un ex-voto populaire et quotidien.
L
Je suis d'accord avec Bel gazou, c'est un joli texte, très émouvant.
la môme poison
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